Paru en : | mars 2022 |
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Editeur : | MaCaDam (auto édition) |
ISBN : | 978-2-9581204-0-5 |
EAN : | 9782958120405 |
Pages : | 304 |
Format : | Papier |
Couverture : | rigide |
Dimensions : | 148 x 210mm |
Poids : | - |
Prix : | 12€ |
Ce soir, un besoin trop fort m’a sortie de chez moi, à l’heure où ne restent que les célibataires, les divorcés, les déprimés, les cassos’, les morts de faim ou plutôt de soif, devrais-je dire ! Les comme moi, qui ne savent que faire de leur peau, le moral fluctuant, en berne la plupart du temps. Aucun risque de puiser du réconfort dans la vie des autres, peut-être plus terne que la mienne. Mes idées noires se noient dans le verre de vodka que je tourne entre mes mains, souhaitant qu’il les réchauffe, ainsi que mon cœur meurtri.
J’entre dans le bar. La musique est à fond. Les baffles vibrent sous les basses, un son sourd résonne dans mon ventre, ma tête. Je porte une main à mon front, ferme les yeux, avance titubant vers le zinc. M’accoude au bar, surveille le serveur qui va et vient, se penche vers les clients, devine leurs commandes sur les lèvres, par expérience, il les connait sans doute, eux et leurs habitudes.
Solitaire, Cora se forçait à titre exceptionnel, à entretenir un semblant de vie sociale, une nécessité perçue comme une protection. D’où sa concentration sur la tenue à porter pour la soirée. Elle n’avait pu refuser, une fois de plus, l’offre d’Amélie.
Sébastien venait tout juste d’intégrer la brigade criminelle, suite à ses exceptionnels résultats au dernier concours, précédé d’un passé exemplaire dans divers services de la police nationale. Fervent admirateur des Brigades du Tigre, l’adolescent puis l’homme, y puisa sa motivation pour franchir les étapes et incorporer la légendaire équipe de la « Crim », le fameux 36. Désormais, il lui appartenait de savoir mettre de la distance entre sa réalité et celle des autres, non instruits, non confrontés à ces horreurs.
La voix ensommeillée de Samuel lui arrache un sourire d’excuses. Toujours sur le pont, motivé à bloc par la tâche incommensurable de traquer toute forme de violence, Samuel Gabalat consacrait la plupart de son temps à ses activités professionnelles. Addict, tel un drogué. À peine le temps de lui fournir l’adresse, Sébastien l’imagine tout de go fermer son logement, dévaler les escaliers, sauter dans sa voiture. Comme lui !
Son désir d’éradiquer le statut de célibataire n’avait d’égal que son plaisir à organiser des fêtes pour les acoquiner. Quel besoin de vouloir absolument voir les gens par deux ? « Tu devrais créer ton agence ! » lui serinait Cora. Amélie regimbait. Le fait de monnayer ce qu’elle considérait comme un service rendu à la nation des esseulés, donc par définition malheureux, lui ôterait tout plaisir. Le bénévolat et l’amitié pure étaient les conditions de raouts réussis.
Georges Marouani était un brave type. Un vieux de la vieille. Muté à sa demande en province, il avoua en douce à Sébastien qu’il s’y ennuyait un peu. Il avait proposé son aide pour remonter son taux d’adrénaline en berne, entre querelles de voisinage et captures de chiens errants.
Pour l’instant ses anciens talents ne faisaient pas mouche, malgré un passé brillant en matière de recherche de criminels. Sébastien pensait que comme pour le vélo, les bonnes habitudes, l’instinct, l’intuition, ne s’oubliaient jamais. Marouani tendait à évoquer le contraire.